20-21 Nov 2025 Paris / Aubervilliers (France)

Workshop > 5 Rewriting history, forging new concepts

  • Modération : Michelle Zancarini-Fournel ,université Claude Bernard-Lyon1 - LARHRA

Friday 21, 10:15 - 11:15

  • Julien Le Hoangan, EHESS - Cermes3
  • Christèle Dedebant, EHESS et journaliste

 Fils et filles de « popote » :  réhabiliter la mémoire des déportés annamites en Guyane.   

Résumé

              Nous nous proposons ici d'engager une réflexion sur les expériences de stigmatisation et les stratégies d'inclusion opérées par les descendants de bagnards « annamites » en Guyane française. En juin 1931, un convoi de 535 prisonniers Indochinois a été expédié dans l'hinterland guyanais – l'Inini- dans le but de défricher et coloniser ce territoire français d'Amérique. Parmi ces 535 hommes se trouvait une grosse minorité de condamnés politiques – environ 100 individus-, envoyés au bagne pour leur rôle dans les soulèvements indépendantistes. En 1963, ceux d'entre eux qui ont survécu aux conditions de détention ont pu retrouver leur terre natale, après 32 ans d'exil. Certains, pourtant,sont restés en Guyane où ils ont fondé une famille.

 Dans la société guyanaise, ces enfants ou petit-enfants de bagnards indochinois ont longtemps fait l'objet d'une triple marginalisation. Tout d'abord, dans cette ancienne colonie pénitentiaire, le stigmate du forçat qu'on appelle « popote » (le déporté) était encore bien réel jusqu'à la fin du XXème siècle. Ces enfants de « popote » ont vécu leur jeunesse entre les 1950 et 1970 avec un véritable complexe du père.

 À cette discrimination sociale, s'adjoint la question de l'appartenance à une minorité ethno-raciale - celle des bata-chinois ou des chinois-neg (« Chinois nègre »)- au sein de la population créole, majoritairement d'ascendance afro-européene. Ces appellations font référence aux descendants d'Asiatiques (Chinois et, dans une moindre mesure, Indochinois) issus de différentes vagues migratoires succédant à l'abolition de l'esclavage de 1848.  À la marginalisation sociale et ethno-raciale s'ajoute un dernier type de marginalisation que l'on pourrait qualifier d' « historique ». Des descendants des bagnards asiatiques, rencontrés la première fois en 2010, se présentaient encore comme des fils/filles d' « Annamites ».

Notre papier s’appuie principalement sur des entretiens menés auprès des familles de ces exilés, parmi lesquelles se distinguent notamment les enfants de Trần Tử Yến ayant fondé l’Association des descendants de déportés indochinois, l’ADDIG, à Cayenne. Nous observons au fil des années le retournement du stigmate : le terme de « popote » (déporté), longtemps porteur d'infamie, étant en passe de devenir une marque honorifique pour l'ensemble des descendants des bagnards indochinois. En mettant à leur profit le discours post-colonial et en capitalisant sur le rayonnement du Vietnam contemporain, ces derniers présentent désormais leurs pères ou grands-pères comme des « héros de l'indépendance ». Ce phénomène a culminé le 24 août 2024, à l’occasion de l’inauguration d’une plaque commémorative au bagne de Crique Anguille (protégé au titre des monuments historiques depuis 2023) : en présence du préfet - successeur institutionnel du gouverneur, au temps où la Guyane éait une colonie -, les enfants de déportés annamites ont fait publiquement l’hagiographie de leurs « aînés ». L’étude de ce cas particulier, d’une minorité longtemps invisibilisée, éclaire les dynamiques de réhabilitation mémorielle, et la quête de reconnaissance par l’inscription dans l’histoire générale de la Guyane. Nous analysons notamment les trajectoires de ces individus et leurs discours à partir des travaux sur l’identité narrative (Ricœur 1990, Gauléjac 2012), en contre-pied des expériences des minorités postcoloniales indochinoises en Amérique du Nord ou en France métropolitaine (Um et Le Bail 2023, Le Hoangan 2023).

  • Dandara Do Espirito Santo,Northwestern University (Chicago)

Quilombo and the Making of Black Brazilian Political Thought: Marxism and Feminism in Perspective

This paper examines how Brazilian Black Marxist Clóvis Moura theorizes quilombagem as a radical praxis that reveals the material foundations of Brazil’s racial order and the ideological operations that sustain it. Through a close reading of Congresso Brasileiro de Sociologia (1962), A Sociologia Posta em Questão (1978), and Sociologia do Negro Brasileiro (1988), I trace Moura’s critique of Brazilian sociology as a discipline historically aligned with bourgeois and colonial interests—an apparatus that naturalizes hierarchy under the guise of neutrality and reproduces the ideology of racial democracy. I then show how Moura’s theorization of quilombo (a territorial form of maroon autonomy) and quilombagem (a practice of rupture) reframes Black resistance not as episodic rebellion but as a political grammar that interrupts the reproduction of the escravismo (slavrocacy), as a mode of production. While Moura often distinguishes resistance from politics through a teleological Marxist lens, his own historical analyses reveal moments when quilombagem destabilizes the social order before any fully articulated project emerges. Read alongside contemporary expressions of anti-Black aversion—exemplified by former president Jair Bolsonaro’s 2017 speech attacking quilombola communities—the quilombo appears not only as a historical site of autonomy but as an ongoing threat to the racial order. The paper argues that quilombagem makes contradiction material: it exposes, in practice, what racial democracy was designed to conceal.

 

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