20-21 Nov 2025 Paris / Aubervilliers (France)

Workshop > 1 Patterns of minority usage in the past

  • Modération, Lawrence Aje, Université de la Réunion – DIRE

Thursday 20, 10:30-12:00

  • Flora Baudry, Université Paris Cité - URMIS

Danser la Conquête : performances rituelles et appropriations locales du passé dans les Andes péruviennes

 Dans de nombreuses localités andines du centre du Pérou, à l’occasion de la fête patronale, les habitant·es mettent en scène l’arrivée des conquistadors espagnols dans l’actuel Pérou, la capture et la mise à mort du dernier empereur inca, Atahualpa, au xvie siècle. Ces représentations peuvent prendre la forme de danses et de chants ou d’une pièce plus théâtralisée basée sur un scénario bilingue quechua-espagnol. À partir d’une ethnographie multisituée dans trois localités andines de la sierra de Lima, je m’intéresse à la façon dont un récit national hégémonique est réapproprié et recomposé localement au travers de performances rituelles. Dans la lignée de travaux portant sur des performances historiques, comme ceux de Diana Taylor au Mexique ou de Marlène Albert-Llorca sur les représentations espagnoles de Moros y Cristianos, je cherche à montrer comment le passé est mobilisé dans le présent par des populations historiquement marginalisées. Lors de ces performances, l’exactitude historique importe peu et les faits sont présentés de façon différente dans chaque village, reflétant des enjeux socio-historiques et ethno-raciaux spécifiques. Les événements ne sont pas univoques et c’est une autre lecture de l'histoire que les villageois·es proposent dans les fêtes, qui ne concorde pas forcément avec celle des manuels scolaires. Par ailleurs, ces pratiques rituelles constituent pour les communautés andines une façon de s’inscrire dans l’histoire péruvienne, de s’en faire les actrices. En le racontant depuis son village, on s’insère dans un récit collectif qui réunit l’ensemble des Péruvien·nes. La performance permet ainsi de (ré)ancrer le village dans la Nation, le local dans le global.

 

  • Leon Blanchaert, EHESS - Mondes Américains

Usages des références à la minorité juive dans la presse socialiste africaine-américaine des années 1920 : The Messenger & The Crusader

Ma communication explore comment les militants noirs radicaux de New York, entre 1917 et 1923, ont mobilisé la mémoire de la tradition diasporique juive pour construire un langage de reconnaissance mutuelle. Face à la violence raciale et à la « Red Scare », et inspirés par la nouvelle de la révolution bolchevique, ces militants ont utilisé cette mémoire pour traduire à leur public ce qui se passait en Russie, et nourrir ainsi leur agitation et leur propagande. C'était à un moment où, tandis que le Lower East Side était devenu la capitale de la Yiddishkeit atlantique et de son courant socialiste, Harlem était en passe de devenir le cœur d'un réseau panafricain, animé principalement par des migrants caribéens.

Un article d’A. W. Domingo, paru dans The Messenger en septembre 1919, portait un titre évocateur : Did the Bolsheviks Stop the Race Riots? L’auteur y avançait une thèse simple : Juifs de l’Empire tsariste et Noirs américains partagent une histoire de persécution ; les Bolcheviks, en mettant fin aux pogroms, montrent la voie. Donc, pour vaincre Jim Crow et les lynchages, il faut embrasser le bolchévisme.

À travers une lecture approfondie de The Messenger et de The Crusader — journaux issus du milieu des radicaux noirs à Harlem — j’ai analysé le rôle de médiateurs que les Juifs, à la fois diaspora et voisins urbains, jouaient dans l’imaginaire politique de ces militants. Ces deux revues oscillaient entre identité ethnique transnationale et internationalisme socialiste, sollicitant à l’occasion la figure du Juif comme point de référence.

Le parcours idéologique de The Crusader illustre la radicalisation d’un groupe de militants caribéens, passant de la désillusion vis-à-vis de la politique wilsonienne à un nationalisme noir fusionné au communisme. Ce chemin les mène à rompre avec l’UNIA de Marcus Garvey pour rejoindre le Workers Party. Au cours de cette trajectoire tortueuse, les Juifs sont mobilisés de multiples façons, selon des temporalités distinctes, qui se succèdent de manière contradictoire, dans les pages d'un même journal, voire d'un même numéro de journal. Dans les articles signés par la Ligue Hamitique, nourris de réinterprétations bibliques, ils apparaissent comme un peuple élu rival et rusé. Mais sous la plume de Cyril Briggs, en 1918-1919, ils sont replacés dans un temps historique et moderne : une minorité ayant tenté l’intégration par la réussite économique et culturelle — une stratégie jugée erronée, car, comme le prouve alors le Japon, seule la force impressionne les Blancs. Enfin, dans les éditoriaux de 1920-1921, émerge une lecture plus proche de celle de Domingo : les Juifs sont présentés comme un peuple au passé similaire à celui des Noirs, et qui aujourd’hui ouvre une double voie — par leur rôle dans les syndicats américains, et par leur participation active à la révolution russe.
La polysémie du mot « Juif », son glissement entre temps biblique, modernité et actualité révolutionnaire, devient une stratégie discursive essentielle : il sert de miroir aux identités multiples des Noirs, tantôt métaphore, tantôt modèle, tantôt repoussoir.

 

  • Julia Carvalho Bandeira, Université Paris 8 - CRESPPA

The Landless Workers' Movement (MST) Castanheiras Mortas monument in Eldorado dos Carajás

This paper explores the usages of the past by the Landless Workers Movement (MST) in the region of Carajás, Brazil, from the Eldorado dos Carajás massacre in 1996 to the present day. This massacre was an act of extreme police violence in which 19 peasants were killed and several others wounded during a peaceful demonstration in favor of land reform. These memory practices are beyond commemorative, serving as an important tool for political resistance and establishing a framework for other possibilities of political action. The massacre is a founding moment for land struggle in the country, as well as in MST’s history and memory, and it can argued that the construction and transmission of such a collective memory is one of the tools to endure violence and impunity in a situation where monumental celebration is sometimes not possible – or hard to achieve – and often to contradict and recreate national narratives, an issue more than ever topical in the struggle for legitimacy. This work centers MST’s practices of commemoration, more particularly, the transformations during the past two decades of the Monumento das Castanheiras Mortas, conceptualized by MST’s activist and artist Dan Baron Cohen (1999). To that end, we use visual methods such as rephotography, juxtaposing archival images and personal photographs taken repeatedly at this memorial site in 2021, 2023 and 2025.

 

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