Conférences plénières > Michelle Zancarini-Fournel et Gilles Delâtre : Espaces et témoignages mémoriaux du massacre d’État de mai 1967 en Guadeloupe

  • Gilles Delâtre, lycée Gerville-Réache - Guadeloupe 
  • Michelle Zancarini-Fournel,  Université Claude Bernard Lyon1 - LARHRA
 
Vendredi 21, 11H40 12H40

 Espaces et témoignages mémoriaux du massacre d’État de mai 1967 en Guadeloupe

 Sur la place de la Victoire à Pointe-à-Pitre, épicentre des événements de Mé 67, deux espaces mémoriaux ont été conçus. « Le monument des 100 chaînes », érigé le 28 mai 2003, à quelques pas du bâtiment où se tinrent les négociations entre délégués des ouvriers du bâtiment et délégués du patronat, rend un double hommage aux fusillés du 26 mai 1802, ainsi qu’aux victimes des 26 et 27 mai 1967, reliant ainsi la mémoire de la lutte contre l’esclavage et celle des manifestations contre la domination patronale et coloniale. À l’autre extrémité de la place, près de l’endroit où la première victime, Jacques Nestor, a été abattue, une fresque a été inaugurée le 26 mai 2007 pour le quarantième anniversaire des événements. Un texte l’accompagne, intitulé : « 1967-2007, une juste mémoire » et commence par ses mots : « Parce qu’il n’est pas de juste mémoire sans connaissance des faits ». C’est le processus de constitution de ces mémoires que nous voulons analyser en nous appuyant sur différentes sources.

Si la mémoire du massacre de Mé 67 à Pointe-à-Pitre a connu une longue « période d’enfouissement » (Julien Mérion, 2009) dans l’ensemble de la population guadeloupéenne, elle a cheminé en rhizomes dans le milieu nationaliste. Ainsi lors de la grève des ouvriers et paysans qui paralyse l’industrie sucrière de février à mars 1975, le préfet fait usage de la force en se référant à la répression menée en 1967. Dix ans plus tard, un premier ouvrage est consacré au massacre, Mé 67 (Jasor, 1985) à partir de nombreux témoignages recueillis par deux historiens, Raymond Gama et Jean-Pierre Sainton, ayant vécu les événements et ne cachant pas leur engagement indépendantiste. Pour autant, chez le plus grand nombre la

mémoire des événements reste longtemps oblitérée. Les deux oeuvres mémorielles de la place de la Victoire s’inscrivent dans une volonté militante et le mouvement de 2009 contre la pwofitasyon est essentiel dans la consolidation d'une mémoire commune de Mé 67. C’est autour de cette place que, le jeudi 19 février 2009, est organisée une immense marche silencieuse en hommage à Jacques Bino, syndicaliste et figure du mouvement culturel Akiyo, assassiné la veille dans des circonstances demeurées obscures. Ce jour-là, Raymond Gama rappelle, au mégaphone, les conditions du massacre de 1967. En 2018, à l’initiative de l’historien Jean-Pierre Sainton, soixante témoignages (huit sur les 20 et 21 mars 1967 à Basse-Terre et 52 sur les 26 et 27 mai 1967 à Pointe-à-Pitre) sont collectés par les archives départementales de la Guadeloupe et la médiathèque LAMECA. Nous souhaitons scruter quelles personnes ont accordé en 2018 leurs témoignages, si elles avaient déjà témoigné sur ces événements et dans quel cadre, si leurs récits se sont cristallisés et sont restés immuables ou s’ils ont été modifiés au cours du temps par le poids des circonstances. La question mémorielle est devenue un enjeu d’identité collective et nous examinerons l’appréciation d’Édouard Glissant « En ce qui nous concerne, l’histoire en tant que conscience à l’oeuvre et l’histoire en tant que vécu ne sont donc pas l’affaire des seuls historiens »

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